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Comment le numérique transforme le modèle postal

Intervention d'Ivan BERAUD

La Poste, devenue autonome en 1990, est depuis 2010, une société anonyme à capitaux publics. Elle est aujourd’hui détenue à près de 70 % par la Caisse des dépôts et consignations et à 30 % par l’État. Le service postal classique n’est plus le seul service qu’elle assure. La Poste est aujourd’hui un groupe, Le Groupe La Poste, assurant la livraison du courrier, de colis mais elle est aussi une banque (La Banque postale), un opérateur mobile, une assurance ou encore un fournisseur de services numériques (stockage de données en ligne, établissement de son identité numérique).

 

Aujourd’hui, le groupe La Poste assure des examens de permis de conduire ou propose de l’aide aux personnes âgées. En 2019, le groupe employait près de 250 000 personnes.

 

Ivan Béraud nous présente ici les défis actuels de son groupe en matière de modèle économique, d’organisation du travail et d’un point de vue social.

 

 

La Poste face à la baisse du service postal

 

Avec l’essor du numérique et du commerce en ligne, La Poste fait face depuis quelques années à une baisse de l’activité du service postal. Entre 2013 et 2017 ce sont ainsi près de 3 millions de courriers en moins qui ont été distribués. Cette baisse s’accompagne en parallèle d’une très forte hausse de la distribution de colis, passant sur la même période de 277 à 318 millions de colis distribués par la branche dédiée de La Poste. Face à cette évolution, le nombre de facteurs a baissé en France ( - 6000 entre 2014 et 2017) comme l’ensemble des effectifs globaux de La Poste. Dans le même temps ceux de ses filiales ont augmenté, passant de 40 000 à 60 000 entre 2009 et 2017.

 

La Poste face au défi du dernier kilomètre

 

La Poste repense donc son rapport de proximité avec ses clients. Du point de vue des usages, en proposant de nouveaux services et en adaptant le service postal traditionnel aux nouveaux modes de vie. Du point de vue logistique également, face à la complexité du dernier kilomètre. L’accès aux logements, aux centres urbains est parfois difficile et le service souvent peu compatible avec les modes de vie des clients.

 

Il faut donc repenser le modèle et les solutions de livraison et de dépôt du courrier et de colis (voisins, conciergerie ou relais). Une livraison à reprogrammer n’est plus rentable. Elle passe ainsi d’une livraison en tournée classique à une livraison en étoile puis en îlots à partir d’un point central. Là, le courrier ou colis peut être stocké et retiré éventuellement directement par le client.

 

Aujourd’hui, la livraison n’est plus pensée sur le modèle du stockage depuis un dépôt central. Ce dernier est choisi notamment selon la disponibilité des produits ainsi que les habitudes du client.

 

Le CDI n'est plus la norme pour les facteurs

 

Les opérateurs sont plus nombreux et interviennent tout au long du processus de livraison. Un des enjeux est donc celui de l’interopérabilité. Pour s’adapter aux usages, on voit alors des alliances se nouer entre des groupes de la grande distribution et des acteurs de la livraison : Monoprix et Amazon, Franprix et la start-up de livreurs à la demande Stuart par exemple. Ces alliances sont autant de concurrence pour La Poste en matière de service de livraison.

 

L’évolution des services proposés par La Poste ainsi que ces nouveaux acteurs mettent cette dernière face à un nouveau monde. Un nouveau monde qui pour les travailleurs de ses filiales se traduit par un statut différent. Avec le changement de modèle, le statut du facteur à temps plein et en CDI n’est plus la norme. Avec lui c’est un nouveau modèle social et une nouvelle organisation sociale qui sont proposés.

 

Amazon, premier client et premier concurrent

 

Pour Yvan Béraud, La Poste est face à un défi complexe. Amazon est son premier client mais aussi son premier concurrent. En son sein, avec ses filiales, La Poste est devenu un groupe où cohabitent plusieurs statuts de travailleurs (fonctionnaire, CDI de la fonction publique, intérimaires, CDD). La protection sociale de ses sous-traitants est ainsi une nécessité tout autant qu’une difficulté. Il regrette qu’aucun dialogue avec les représentants du personnel de La Poste ne soit établi.

 

Il faut selon lui réfléchir à la question de l’imbrication des logiques de travail et des différents statuts sociaux entre travailleurs de l’intermédiation et de la livraison. Plus globalement, il pose la question d’une régulation du secteur de la logistique urbaine et de la distribution en prenant acte de l’échec de son ouverture à la concurrence.

Une livraison à reprogrammer n’est plus rentable. Elle passe ainsi d’une livraison en tournée classique à une livraison en étoile puis en îlots

On voit des alliances se nouer entre des groupes de la grande distribution et des acteurs de la livraison : Monoprix et Amazon, Franprix et la start-up Stuart

Réguler un marché de la logistique urbaine en prenant acte de l'échec de l'ouverture à la concurrence ?

Le nombre de facteurs a baissé en France ( -6000 entre 2014 et 2017 )

Ivan BERAUD

 

Chef de projet RH en charge des innovations au sein du groupe La Poste

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