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Aperçu sur le modèle des relations professionnelles en Allemagne

Aperçu sur le modèle des relations professionnelles en Allemagne

Intervention de Maud VENTURINI et Laurence RAMBERT

Repères sur le marché du travail

 

La bonne santé du marché de l’emploi ne peut occulter une précarisation croissante du marché du travail. Les réformes Hartz ont permis de remettre en emploi des personnes sur des contrats temporaires ou à temps partiel, sans leur permettre toutefois de dépasser le seuil de pauvreté . L’Allemagne recense en 2019 plus d’un million de travailleurs intérimaires (140 000 en 1994) et 7,54 millions de mini-jobs sur 44 millions d’actifs salariés. La mise sous tension du marché du travail a eu également des conséquences en matière de conditions de travail (politiques de modération salariale, absence de mobilité professionnelle, peur de perdre son emploi et de se retrouver au chômage). L’Allemagne est également confrontée à un défi démographique. 90% des PME se déclarent affectées par un manque de main d’œuvre qualifiée. Dans ce contexte, le gouvernement fédéral et les partenaires sociaux mènent une offensive en faveur de la formation professionnelle continue (sachant qu’aucune obligation pour l’employeur n’existe en la matière en Allemagne).

 

La primauté du dialogue social

 

Des syndicats puissants et un rapport de force équilibré avec le patronat (le BDA, confédération des associations patronales allemandes à compétence sociale) est une caractéristique des relations professionnelles en Allemagne. Bien qu’il existe des syndicats catégoriels (pilotes, conducteurs de train), le DGB (Deutscher Gewerkschaftsbund), la confédération syndicale majeure en Allemagne, regroupe 8 syndicats, dont IG Metall et Ver.di, qui compte près de 6 millions d’adhérents.

 

Le premier pilier du modèle allemand repose sur l’« autonomie tarifaire ». Il garantit aux partenaires sociaux la prérogative de négocier de façon autonome et indépendante les conventions collectives. Ce principe est ancré dans la loi fondamentale allemande (article 9), comme une conséquence de la liberté d’association.

 

Le second pilier repose sur la « codétermination » (Mitbesttimmumg). Depuis 1976, les entreprises de plus de 500 salariés doivent octroyer un tiers des postes dans les conseils de surveillance aux représentants du personnel. Dans les entreprises de plus de 2000 salariés, ces derniers disposent de la moitié des sièges au sein des instances de gouvernance.

 

Le droit de grève en Allemagne est encadré. Les syndicats n’ont pas le droit de grève sur des conditions de travail qui ne relèvent pas du domaine de la convention collective. En pratique, les grèves en Allemagne sont donc le plus souvent préventives. La conclusion d’une convention collective fait naitre une obligation implicite de paix sociale.

 

Le modèle allemand présente aujourd’hui certaines limites

 

Si près de 80% des salariés restent couverts directement ou indirectement par une convention collective, des pans entiers de l’économie où les syndicats sont peu représentés échappent au giron conventionnel. Le nombre de salariés syndiqués a chuté de 25 % à 18 % entre 2000 et 2019 et l’on assiste à une certaine fragmentation de l’unité syndicale. Certaines entreprises appliquent de moins en moins le principe de la codétermination.

 

Face à l’érosion du système de négociation collective et au développement des bas salaires, l’introduction par la loi d’un salaire minimum légal en 2014 a été l’un des points de compromis dans la formation du gouvernement de coalition (CDU/CSU et SPD), alors que le DGB comme le BDA jugeait qu’il s’agissait d’un sujet traditionnellement réservé à la négociation salariale. Le ministère fédéral du travail et des affaires sociales (BMAS) souhaite pour sa part renforcer les possibilités d’extension des accords de branche (moins de 1% des conventions collectives sont aujourd’hui étendues). Le principe de l’accord salarial unique pour un même type de métier dans une entreprise a été introduit par la réforme « Tarifeinheit » de 2015, afin qu’un même groupe professionnel ne puisse bénéficier d’accords collectifs concurrents négociés par des syndicats différents.

Des syndicats réputés responsables et pragmatiques : lors de la crise de 2009, 1,1 million de salariés allemands ont été indemnisés au titre du chômage partiel. 285 000 emplois ont pu être sauvegardés. Outre des négociations sur la baisse du temps de travail, près de 150 000 personnes ont bénéficié d’une formation pendant leur chômage partiel entre 2009 et 2010 (WeGebAU).

Laurence RAMBERT

Attachée sectorielle au service économique, Ambassade de France à Berlin

 

Maud VENTURINI

Adjointe de la Conseillère pour les affaires sociales, Ambassade de France à Berlin

Le premier pilier du modèle allemand repose sur l’« autonomie tarifaire ». Il garantit aux partenaires sociaux la prérogative de négocier de façon autonome et indépendante les conventions collectives

Le nombre de salariés syndiqués a chuté de 25 % à 18 % entre 2000 et 2019 et l’on assiste à une certaine fragmentation de l’unité syndicale

La codétermination : les entreprises de plus de 500 salariés doivent octroyer 1/3 des postes dans les conseils de surveillance aux représentants des salariés « laboratoire d’idées », fonctionnant comme un réseau social interne