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Plateformes et « plateformisation »

Plateformes et « plateformisation »

Intervention d'Alain RALLET

Souvent, le terme de « plateforme » prend aujourd’hui la forme d’un « mot valise ». Selon une définition consensuelle, une plateforme peut se définir comme la mise en relation de différents groupes d’utilisateurs (travailleurs, financeurs, clients, fournisseurs, etc…) en vue d’obtenir un produit ou un service. Toute entreprise peut dès lors être considérée comme « une plateforme qui s’ignore », puisqu’elle met en relation des clients, des salariés, des fournisseurs, des financeurs.

 

Le processus d'intégration des plateformes

 

Au-delà de cette définition générique, interroger les différents types de mises en relation permet de tracer les « frontières » des différents types de plateformes, en introduisant la notion de « plateformisation » qui menace progressivement l’ensemble des secteurs d’activité.

 

Le schéma de l’ « intégration verticale » peut être défini comme une mise en relation où la plateforme a un droit de propriété à la fois sur les inputs  qu’elle combine et sur le produit ou le service qu’elle est en mesure de vendre. Ce processus est communément décrit sous la forme d’une « image » qui est la chaîne de valeur où figure une succession linéaire d’étapes qui va de la conception jusqu’à la vente du produit.

 

Les versions de la « plateformisation »

 

La « plateformisation » consiste à démembrer ce type de mise en relation avec des versions plus ou moins faibles, ou plus ou moins fortes. Version faible, l’externalisation (Make or Buy) ne modifie pas le schéma de la chaîne de valeur. L’image du processus de production reste le même. Les actifs sont toujours combinés par l’entreprise elle-même, mais une partie est sous-traitée à l’extérieur de l’entreprise.

 

Dans une version plus forte, la plateforme cesse d’avoir la propriété des actifs, qu’il s’agisse des inputs ou du produit. Elle devient un intermédiaire qui facilite la réalisation des transactions entre des groupes d’utilisateurs différents, ce qui conduit à une implosion de cette chaîne de valeur et à une fragmentation des acteurs de la production. Ce schéma aboutit à une nouvelle « image » de la production, la plateforme devenant pivot dans l’organisation de cet « écosystème ».

 

La place des plateformes dans la gestion des transactions

 

Au-delà de ce schéma général, différents types de plateformes vont se différencier selon leurs modes d’intervention sur la gestion des transactions entre les groupes d’utilisateurs, pour lesquels on peut distinguer des couches basses de gestion des transactions, des couches intermédiaires et des couches hautes.

 

La couche basse est en quelque sorte le modèle de plateforme pure. La plateforme met en relation sans intervenir sur les transactions entre les différents groupes d’utilisateurs.

 

La plateforme peut prendre en charge des fonctions « intermédiaires » en faisant des choix stratégiques : fixer le prix des transactions, surveiller ou contrôler les prestations. Elle peut aussi incorporer des fonctions de paiement, de logistique, de marketing ou même de conseil. Voilà ce que l’on appelle les couches intermédiaires. Dans les couches hautes, la plateforme met en œuvre une division du travail, contrôle les conditions de travail, fixe par exemple les horaires de travail. Le schéma se rapproche de l’intégration verticale, voire plus lorsque la plateforme a la propriété sur les actifs qui sont échangés.

Dans une version plus forte, la plateforme cesse d’avoir la propriété des actifs, qu’il s’agisse des inputs ou du produit. Elle devient un intermédiaire

La couche basse est en quelque sorte le modèle de plateforme pure. La plateforme met en relation sans intervenir sur les transactions entre les différents groupes d’utilisateurs.

Alain RALLET

 

Économiste et professeur émérite à l'université Paris Saclay, spécialiste de la plateformisation des industries et de l'impact de la digitalisation sur les individus.

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