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L’impact de la numérisation sur les garagistes, une révolution mythologique ?

Intervention de Bernard JULLIEN

L’impact du numérique dans le domaine de la vente automobile touche notamment deux activités : la relation commerciale et le service après-vente.

 

Concernant la vente de véhicules ou de pièces, la numérisation a modifié le processus de vente mais aussi l’offre proposée aux clients. Elle se traduit par des changements importants :

 

• la phase physique de l’achat est marginalisée

• l’apparition des « devis en ligne » en après-vente

• l’apparition de plateformes de vente de pièces de rechange et de « solutions de montage » destinées à ceux qui ne savent pas monter leurs pièces eux-mêmes.

 

Concernant le second aspect, le service après-vente, la numérisation du secteur n’a pour l’heure pas encore montré son potentiel. Malgré les véhicules connectés, le diagnostic doit toujours s’opérer à l’atelier, chez le garagiste. Son cœur de métier reste inchangé même si la relation client, à distance, devient plus marginale.

 

Pourquoi la révolution n’a pas eu lieu ?

 

Pour Bernard Jullien, cela tient principalement aux caractéristiques du système automobile. Il n’a pas les caractéristiques qu’on lui prête. Les constructeurs ont donc historiquement renoncé au rêve taylorien sur les fonctions aval mais ils ne l’ont jamais assumé pleinement. Ils ont depuis longtemps délégué aux réseaux de vente le travail commercial.

 

Ils ont donc de fait assez peu de relations avec les automobilistes, certains même n’en auront jamais s’ils achètent exclusivement des voitures d’occasion (hors réseaux de marque). Ils ont dû accepter que se développent dans ces univers de consommation des écosystèmes complexes qu’ils maîtrisent très mal.

 

L’histoire du sous-secteur est donc construite autour de cette schizophrénie : les constructeurs entreprennent périodiquement de reprendre la main sur la relation client et de mettre leurs réseaux au pas mais les garagistes résistent techniquement et commercialement.

 

Comment s’opère cette résistance des « garagistes » ?

 

A différents niveaux. Elle peut être directe comme par exemple en refusant de vendre dans leur garage les « boitiers » qui pourraient les remplacer. Elle est ensuite plus indirecte, liée notamment à la nature et l’ADN de l’artisanat où la relation client tient une place importante malgré tout. Les artisans observent les avantages réels apportés par la numérisation en termes de productivité, d’accès aux informations et de formation au numérique.

 

La formation est un élément important dans la résilience de ce sous-secteur de l’automobile. Elle participe à leur « défense » en leur permettant plus d’autonomie vis-à-vis des constructeurs et d’adaptation aux technologies numériques. Dans les années 1990, certains experts prédisaient leur disparition. Il n’en a rien été. Aujourd’hui, ils veulent rejouer la même scène avec le numérique présenté comme un danger pour eux.

Bernard JULLIEN

 

Maître de conférence en économie à l'Université de Bordeaux et directeur du Gerpisa (Groupe d'Etude et de Recherche Permanent sur l'Industrie et les Salariés de l'Automobile)

Concernant le service après-vente, la numérisation du secteur n’a pour l’heure pas encore montré son potentiel

Les constructeurs ont historiquement renoncé au rêve taylorien sur les fonctions aval mais ils ne l’ont jamais assumé pleinement

La formation est un élément important dans la résilience des garagistes. Elle participe à leur « défense » en leur permettant plus d’autonomie vis-à-vis des constructeurs