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L’étude I-WIRE sur les indépendants qualifiés

Intervention de Frédéric NAEDENOEN

Quelle voie pour les «nouveaux travailleurs autonomes » ?

 

Si l’emploi salarié classique reste la norme, les entreprises ont recours de manière croissante à des travailleurs externes, en externalisant des fonctions habituellement gérées en interne, pour des activités de plus en plus centrales. En Belgique, le nombre de « I-Pros workers » ou « travailleurs indépendants professionnels » a progressé de plus de 26% entre 2008 et 2015. Le pouvoir disruptif des plateformes digitales, l’augmentation du nombre de professionnels indépendants hautement qualifiés, flexibles et hyper-spécialisés, la progression de la négociation individuelle, en lien avec l’individualisation des conditions de travail, sont autant de facteurs qui justifient un intérêt renouvelé pour le travail indépendant.

 

Souvent perçu comme assez homogène, le phénomène recouvre en fait des réalités variées : professions techniques ou professions intellectuelles, disparité des statuts juridiques, différences dans les niveaux de revenus, dans leur stabilité, diversité des contenus et des conditions de travail, variabilité dans l’autonomie au travail.

 

Le projet de recherche I WIRE (2016-2018), financé par la Commission européenne, a mobilisé 11 partenaires dans 7 Etats membres (Belgique, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Slovénie, Suède) avec un double objectif :

  • Identifier les besoins et les demandes socio-économiques exprimés par les I-Pros sur le marché du travail européen
  • Analyser les réponses apportées par les collectifs de travailleurs (syndicats, quasi-syndicats et intermédiaires) et les pouvoirs publics

 

 

Quels en sont les principaux enseignements au plan européen ?

 

Sur la période 2008-2015, les I-Pros progressent en moyenne de plus de 23% (UE28), augmentent de l’ordre de 50% dans certains Etats membres (Pays-Bas, Pologne, Royaume- Uni), de 57% pour la France. Certaines grandes entreprises créent une fonction de Chief Freelance Officer pour intégrer et gérer les indépendants.

 

Leur situation professionnelle est un choix, avec 3 types de statuts : indépendant, salarié de leur propre entreprise, ou statut hybride (salarié entrepreneur). Ils sont souvent « moolighters ». En France et en Allemagne, 1 sur 5 déclare avoir 4 jobs ou plus, en Belgique 40%. L’usage des plateformes diffère suivant les pays. Il est considéré comme limité en France, en Italie, en Suède et comme significatif en Espagne, aux Pays-Bas, en Slovénie. Les activités se font le plus souvent à domicile et sont peu pratiquées en co-working. Les conditions de travail sont jugées difficiles, avec un ressenti d’un manque de protection sociale, mais les répondants se déclarent satisfaits de l’autonomie offerte par leur situation professionnelle. Les revenus n’excèdent pas 30 000 euros par an, avec une fréquente discontinuité des activités.

 

Le dialogue social traditionnel s’avère peu adéquat pour différentes raisons : hétérogénéité du phénomène et éclatement des lieux de prestations, réticence à coopérer dans un environnement hautement concurrentiel, individualisation des relations contractuelles, impact potentiel sur leur image et leur carrière. Les organisations syndicales ne sont considérées comme un acteur pertinent pour les représenter que dans une minorité de pays (Belgique, Suède, Slovénie). En termes d’attentes, les répondants citent préférentiellement le réseautage, privilégient la constitution de coalitions de travailleurs, pouvant inclure les syndicats. Les chercheurs dressent une typologie des actions collectives rencontrées : l’offre de services, l’organisation d’actions de mobilisation et de lobbying, de négociations collectives, la constitution de communautés ou de coalitions.

 

Le projet de recherche I WIRE (2016-2018), financé par la Commission européenne, a mobilisé 11 partenaires dans 7 Etats membres (Belgique, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Slovénie, Suède)

En France et en Allemagne, 1 indépendant sur 5 déclare avoir 4 jobs ou plus, en Belgique 40%.

Les organisations syndicales ne sont considérées comme un acteur pertinent pour les représenter que dans une minorité de pays (Belgique, Suède, Slovénie)

Frédéric NAEDENOEN

 

Titulaire d’un master en Gestion de l’entreprise de l’Université de Liège. Maître de conférence à HEC Liège (Belgique) et à l’Université de Namur, chargé de recherche senior au laboratoire LENTIC de l'Université de Liège depuis 2003. Il accompagne des changements socio-organisationnels dans des entreprises publiques et privées. Co-auteur de l'étude I-Wire