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« Digital Fabrication and the Future of Work », les risques du numérique pour le travail

Intervention de Joel CUTCHER-GERSHENLFELD

Pour Joel Cutcher-Gershenfeld, le développement numérique et technologique fait peser sur le futur du travail trois types de risques :

 

● la destruction d’emplois dans certains secteurs

● la création d’emplois nouveaux dans d’autres secteurs pour lesquels les travailleurs vont devoir se former dans une logique de carrières multiples

● la création d’activités techniques ne donnant pas lieu à un travail rémunéré.

 

Ce dernier point est à ses yeux le plus symbolique du monde qui vient. Son inquiétude réside dans le fait que la logique sous-jacente au développement technologique et numérique devienne celle du monde du travail.

 

 

Les FabLab, de la R&D externalisée ?

 

Il prend alors l’exemple des FabLab. Contraction de l’anglais «Fabrication Laboratory», ces tiers-lieux fonctionnent sur un principe collaboratif. Ouverts à tous, ils mettent à disposition de chacun du matériel, des outils, des machines de fabrication et de prototypage. Au sein d’un FabLab, les membres profitent de l’aide opérationnelle et des connaissances des autres participants. En contrepartie, ils participent à la vie et à l’entretien du lieu et partagent leurs propres connaissances. On peut s’y rendre pour recréer à l’aide d’une imprimante 3D une pièce défectueuse d’un appareil électroménager introuvable sur le marché.

 

Ces lieux sont aujourd’hui aussi devenus des accélérateurs de projets voire des départements de recherche et développement externalisés pour certaines entreprises. Ils permettent de rapidement passer du concept au prototype puis à la mise au point du produit et à son déploiement. Les productions et inventions restent la propriété de leurs inventeurs mais ils doivent pouvoir bénéficier à tous. Les entreprises peuvent donc parfaitement commercialiser des inventions qu’elles auraient mises au point au sein d’un FabLab. Cet ensemble de lieux à travers le monde constitue un véritable réseau. Pour en faire partie, un lieu devra respecter la charte des FabLab édictée par le MIT.

 

 

Les FabLab, symboles d'une « production auto-suffisante » qui vient ?

 

Ces lieux symbolisent bien à ses yeux les caractéristiques du travail numérique : l’agilité, la modularité pour répondre à des marchés de niche et la correction d’erreur. Ils incarnent surtout l’idée d’une “production auto-suffisante”. Pour Joel Cutcher-Gershenfeld, il est désormais possible de trouver dans un environnement proche des moyens de production permettant de fabriquer facilement par nous-mêmes selon nos besoins. A tel point que cette “production auto-suffisante” pourrait devenir une nouvelle catégorie émergente dans le monde du travail.

 

Pour l’heure, ces nouveaux lieux de production à l’image des FabLab ne sont pas régulés. Plus généralement, ils témoignent selon lui d’une approche utopique où la vision de la technologie est nécessairement positive. Face à eux, nous manquons encore de recul notamment sur l’impact très fort sur le travail.

 

Au sein d’un FabLab, les membres profitent de l’aide opérationnelle et des connaissances des autres participants

Ils incarnent cette idée d'une « production auto-suffisante » qui pourrait devenir une nouvelle catégorie émergente dans le monde du travail

Ces lieux sont aussi devenus des accélérateurs de projets voire des départements de recherche et développement externalisés pour certaines entreprises

Joel CUTCHER-GERSHENFELD

 

Professeur à la Heller School for Social Policy and Management de l'université Brandeis (USA) où il dirige des recherches sur les institutions agiles et enseigne au sein du MBA sur l'impact social des stratégies économiques. Auparavant, il a été professeur et doyen de la School of Labor and Employment Relations à l'université de l'Illinois. Il est rédacteur en chef du Negotiation Journal de la faculté de droit de Harvard.