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L’ère de l’intelligence artificielle (IA)

Intervention de Jean-Hugues MONIER

Les techniques d’apprentissage automatique sont aujourd’hui à la base de l’IA

 

Le grand public a découvert le terme d’intelligence artificielle suite à la conférence de Dartmouth réunissant sur le sujet une vingtaine de chercheurs en 1956. Les avancées scientifiques, même si elles ont été importantes dans les décennies suivantes, n’ont pas toujours été à la hauteur des emballements médiatiques souvent orientés sur la mise au pont de machines pouvant simuler l’intelligence humaine.

 

Depuis la fin des années 90, les progrès technologiques se sont accélérés, en particulier lors de la dernière décennie. Les algorithmes d’apprentissage automatique (machine learning algorithms) ont progressé, notamment à travers le développement des techniques basées sur les réseaux de neurones artificiels (neural networks) et les techniques d’apprentissage profond (deep learning). Ces développements ont été possibles grâce à l’augmentation exponentielle de l’informatique, la capacité à collecter des données massives permettant d’« entraîner » les algorithmes de l’IA.

 

En terme sociétal, la « boîte noire » du deep learning, avec sa complexité, pose aujourd’hui le défi de l’ « explicabilité » de ces techniques dans les processus décisionnels ou prédictifs. Certaines approches émergentes, comme LIME (Local Interpretable Model-Agnostic Explanations), visent à accroître la transparence des modèles.

 

L’état de préparation en matière d’IA varie considérablement

 

L’adoption de l’IA est aujourd’hui inégale selon les entreprises, les secteurs et les pays. Les entreprises de haute technologie, les entreprises de télécommunications et les services financiers sont les principaux utilisateurs de l’IA avec des plans d’investissement ambitieux. Les entreprises adoptant ces techniques acquièrent davantage de données et de capacité en matière d’IA. Ainsi, le retard risque de se creuser avec les « retardataires », nonobstant le besoin de compétences spécialisées.

 

Une grande partie de la construction et de l’optimisation des réseaux neuronaux profonds nécessite une véritable expertise, la demande en termes de compétences dans ce domaine dépassant de loin l’offre.

 

Pour l’instant, la Chine et les Etats-Unis sont en tête de la course au plan mondial, les effets d’échelle permettant des investissements plus importants, et les effets réseaux permettant d’attirer le talent nécessaire pour tirer le meilleur parti de l’IA. Des fonds publics sont alloués en ce sens par le gouvernement français dont on peut escompter des résultats dans la durée, mais la place de l’Europe reste encore minime.

 

Le défi de l’IA responsable

 

A travers l’étude de 800 métiers réalisée par McKinsey, Jean-Hugues Monier estime que 45% du temps serait à consacrer en termes de formation et de reconversion pour gérer les transformations à venir dans les 15 prochaines années. L’IA ne tiendra pas sa promesse, selon lui, si le public perd confiance en elle suite à des violations de la vie privée, ou si une grande partie du monde en vient à lui reprocher d’exacerber les inégalités. Aux Etats-Unis, celles-ci sont de plus en plus flagrantes. La vigilance s’impose sur la quantité mais aussi la nature et des tâches déléguées aux machines, la réduction du nombre de postes et donc la baisse des revenus. Le revenu minimum universel pourrait être une piste à envisager, comme cela a été le cas en France.

 

Les entreprises de haute technologie, de télécommunications et les services financiers sont les principaux utilisateurs de l’IA avec des plans d’investissement ambitieux

45% du temps serait à consacrer en termes de formation et de reconversion pour gérer les transformations à venir dans les 15 prochaines années

Pour l’instant, la Chine et les Etats-Unis sont en tête de la course au plan mondial

Jean-Hugues MONIER

 

Directeur Associé et co-responsable de la practice Corporate Finance & Strategy de McKinsey & Company en Amérique du Nord. Il est l’un des leaders de l’initiative sur le Future of work de McKinsey, étudiant l’impact de l’automatisation et de l’intelligence artificielle sur les entreprises et les tissus économiques. Il a conduit un projet Noble Intelligence, utilisant les techniques de machine-learning pour la détection et la prévention du trafic d’êtres humains avec un groupe intergouvernemental et co-dirigé le dialogue annuel Minerva au Vatican avec les principaux CEOs de la Silicon Valley sur les aspects sociétaux et éthiques de l’intelligence artificielle.